Une année à l’école des carpes

Après une année enrichissante de pêche à la mouche des carpes, la baisse d’activité de mes camarades de jeu me laisse le temps de faire quelques bilans. Si je n’ai pêché que dans des étangs, la variété des situations est déjà bien assez grande pour constater que la PALM de la carpe est un vaste terrain d’exploration. Les conclusions que je peux aujourd’hui tirer concernent le milieu naturel et ses conditions, le comportement des carpes, ainsi que les mouches et leur présentation.

1. Où et quand l’on pêche (le milieu naturel).

En pêchant régulièrement dans le même étang (environ 1 ha de superficie, 0,5 à 2,5 m de profondeur), j’ai constaté que l’activité des poissons varie de manière spectaculaire. Certains jours, les absences totales de touches et de signes de vie auraient pu me laisser penser à des eaux vides de poissons, alors que je sais ce plan d’eau très bien peuplé de carpes de 8/10 ans (2,5 à 5 kg, environ). Et effectivement, d’autres journées, la pêche y fut un festival !

– En général, une activité de surface a toujours été visible quand les poissons étaient mordeurs, même en hiver, même si elle est plus ou moins importante.

– Une météo plutôt claire (même fortement ensoleillée) avec des vents d’ouest à sud s’est avérée préférable, surtout en début et fin de journée. Le retour du soleil après un orage est excellent. Les temps de nord ou est ont été mauvais pour la pêche.

– Les meilleures saisons furent le milieu du printemps, coïncidant avec la période de reproduction, et l’automne. Il faut dire que cet été 2011 fut particulièrement couvert et humide en Bretagne…

– Certains postes, au sein d’un étang, sont définitivement meilleurs que d’autres pour trouver les carpes : queue d’étang, roseaux, zones ombragées (arbres, berge abrupte), cassures du fond. Je pense que la nature du fond est particulièrement importante : des plages de sable ou de graviers, dégagées de végétation (ou au cœur de zones herbues), sans vase ou autres accumulations de matière organique (feuilles…), sont particulièrement favorables. J’imagine que les carpes aiment fouiller ces zones à substrat de granulométrie moyenne, à la recherche d’invertébrés.

Par temps chaud, quand les carpes croisent en surface, la question des postes est évidement moins prégnante… et, bien sur, chaque configuration d’étang est un cas particulier et, ici comme toujours à la pêche, la connaissance des sites est primordiale.

 2. Comportement des carpes.

– Carpes fouisseuses en bordures : pêche avec des nymphes (marabou, pheasant tail, casquées…), avec des imitations de vers ou avec des imitations de maïs, façon « carp stalking ».

– Carpes immobiles en surface : elles dorment, elles glandent, rien ne les intéresse… je passe mon chemin… Même si la situation est tentante, je n’ai jamais réussi à en tirer profit.

– Carpe isolée qui gobe l’air en surface : la carpe seule est d’autant plus méfiante. Dans ce cas également, je n’ai pas obtenu de résultats.

Quelques imitations des proies des carpes

– Carpes en petits groupes se déplaçant en surface ou montrant au moins une attitude éveillée (ce qui se voit à leur position : pas complètement statiques, nageoires mobiles) : c’est la configuration que je préfère ! Par réflexe de compétition, les carpes peuvent se montrer particulièrement agressives et littéralement attaquer l’imitation de têtard ou même une pheasant tail peu lestée ramenées discrètement sous leur nez. Alors là, les amis, un petit ferrage de la main gauche, et c’est le grand rush qui déchire la surface de l’eau !

 3. Les « mouches ».

– Au printemps, les imitations d’esches animales ont été excellentes (têtards surtout, larves de libellules et autres) ; fin d’été et automne, les imitations d’esches végétales (maïs : merci Fabien ! … et herbes aquatiques) ont été plus attractives. Cette observation est à nuancer : en effet, j’ai davantage utilisé d’imitation de têtards quand les étangs en étaient pleins, délaissant les imitations de maïs ou d’herbes, et inversement… Peut-être que ces dernières eussent été efficaces également au printemps… Ceci sera à confirmer au fil des saisons.

Flavour power (de l’importance du goût des mouches) ! Si les carpistes accordent une telle importance aux attractants et ont développé une véritable science en ce domaine, ce n’est peut-être pas pour rien… Quand j’ai commencé à les utiliser sur mes mouches, les premiers résultats ne m’ont pas vraiment convaincu. Mais désormais, il est des situations dans lesquelles j’aurais bien du mal à m’en passer ! La question est vaste, et je serais bien prétentieux de tirer des conclusions définitives de mes premières expérimentations. Cependant, je peux dire que sur les imitations d’esches végétales (herbe, maïs), très faiblement animées, la différence est nette : les poissons mordent plus vite, les touches sont plus franches. Sur les imitations d’esches animales, je n’ai pas observé de différence notable pour l’instant.

Quelques imitations d'esches végétales

J’ai principalement utilisé une huile saveur calamar (prévoir un torchon pour s’essuyer les doigts, afin d’éviter la poignée de canne grasse et odorante !) et il faudra que je diversifie les tests de parfums. Je trouve passionnant qu’il me reste tant à découvrir dans ce domaine, et il est tout à fait envisageable d’appliquer l’application des attractants à d’autres pêches à la mouche : streamers pour les carnassiers, truite en émergente, en noyée ou même en sèche (j’ose le sacrilège !!!)…

– Enfin, la densité des mouches s’est avérée être une caractéristique cruciale. La bouche de la carpe est un outil sophistiqué : outil olfactif et gustatif, sensible aux odeurs, mais aussi outil tactile sensible à la texture (dureté, porosité, granulosité…) et à la densité des objets qu’elle appréhende. Je pense que cette sensation est déterminante dans la « décision » de rejeter ou d’avaler le leurre que nous lui proposons.

J’ai en effet noté des résultats bien meilleurs avec les mouches qui ont un faible poids dans l’eau, dont la densité est juste un peu supérieure à celle de l’eau. Ainsi, lorsque je monte mes mouches, j’utilise un verre d’eau dans lequel je règle l’équilibre des mouches que je souhaite faire couler tout doucement.

Concrètement, l’imitation de têtard qui reste collée en surface est inefficace tout comme celle qui coule à pic, alors que celle qui évolue à 3/5 cm sous la surface est prise par la carpe. Il en est de même pour les imitations d’herbes aquatiques.

 

Pour mes imitations de maïs, j’utilise du foam qui permet, avec un lestage en fil de plomb sous-jacent, un réglage très précis. Il permet aussi de réaliser des montages au cheveu mettant le grain bien en évidence au dessus du fond, de proposer une imitation souple à la texture proche d’un vrai grain, avec une légère porosité qui garde bien les odeurs des attractants. Dans le même esprit, j’ai monté des imitations de larves de libellules (gros anisoptères) en foam, que ne n’ai pas encore testées.

La carpe est poisson fascinant par son intelligence et sa capacité d’adaptation, qui font de sa pêche une expérience très variée. C’est également un magnifique combattant, très présent dans nos eaux (malheureusement parfois envahissante et fortement modificatrice du milieu naturel, mais c’est une autre histoire…). Sa pêche à la mouche est devenue pour moi une pêche laboratoire, qui me permet de mieux déchiffrer l’écologie de ces poissons et des milieux d’eaux closes tout en sachant qu’il reste tant à comprendre, et d’imaginer des applications pour la pêche d’autres poissons… Tant de questions, tant de promesses dans les réponses à apporter, voilà de quoi nous ramener encore et encore au bord de l’eau… Car finalement, les poissons passent bien plus de temps dans nos imaginations que dans nos épuisettes !

... et quelques uns de mes camarades de jeu

6 commentaires.

  1. Bonjour Laurent,
    Merci pour votre commentaire. La pêche à la mouche possède une telle dimension ludique qu’elle est une technique parfaite, à mon avis, pour explorer et tester de nouvelles astuces, et pour découvrir et comprendre le milieu naturel…
    De plus, elle constitue une communauté au sein de laquelle il est, le plus souvent, bien agréable de se rencontrer et d’échanger. La preuve !
    Très bonne année à vous, également !
    Vincent

  2. moi j’aime beaucoup vos articles…tant sur les carpes que sur les carnassiers…on sent un vrai passionné …qui développe ses propres expériences ..et qui en plus les fait partager.
    merci et meilleurs voeux halieutiques

  3. Salut Julien, bonne année à toi aussi.
    Tu es dans quel coin du finistère ?

    Vincent

  4. Hello KI-dour, Bonne année à toi.
    Merci pour cet article, il est précis et fais bien avancer les choses! reste plus qu’a trouver un spot dans le Finistère!
    Bye les amis 🙂

  5. Salut Fabien,
    Intéressant le test des huiles en aquarium, et de constater que les aquariophiles également ont recours à leur utilisation !
    Pêcheurs au coup, carpistes, pêcheurs aux leurres… pas mal de pêcheurs les utilisent avec succès.
    D’ailleurs, certains moucheurs y ont certainement recours : ça m’intéresserait d’avoir le retour de leurs expériences…
    Comme tu le dis, les attractants sont à essayer plus régulièrement pour la PALM de poissons méfiants. Je pense, par exemple, qu’ils doivent avoir leur efficacité sur les mouches à mulet, vu comme ce poisson réagit à la strouille et aux amorçages des pêcheurs au coup…
    Bonne année 2012 à toi et tes proches : santé, amour, argent, très gros poissons… !
    A+
    Vincent

  6. Salut vincent, 2012 sera je pense un trés bon cru.

    Jusqu’ici je n’utilise pas les huiles mais cet hiver dans le bac à mon pere, j’ai étais bluffer!!!!

    Une goutte de produit à suffit à declencher le comportement alimentaire d’un chirugien qui au bout de trois jours, laisser de côté toutes sortes de produit naturel que ça soit animal ou vegetal.

    Tu retire ce produit le poisson ne se nourrie plus. C’est connu des specialistes qui ont du mal à aclimaté les nouveaux arrivant, ca marche aussi en eau douce.

    Affaire à suivre donc et à tester sur les carpes amours et autre fish méfiant.

    Sympa de nous faire partager ton experiance.

    A bientôt Fabien

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